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De la norme à la corruption :

Quelques considérations jurilinguistiques autour des concepts de « liberté » et « personne »


INTRODUCTION


Nous proposons une analyse jurilinguistique portant sur les univers imaginaires créés à partir des perceptions que nous avons des termes « corruption » « norme », « liberté », « personne », du noumikos (juridique) au pathos (social), dans notre société des affects (F. Lordon[1]), réticulaire et visuelle.

Dans ce cadre jurilinguistique et contrastif sont étudiés les mécanismes de déconstruction normative qui caractérisent la corruption au niveau linguistique, l’ambigüité, les évolutions et les transgressions des normes juridiques et linguistiques à travers des métaphores et des euphémismes, ainsi que leurs effets perlocutionnaires sur la liberté et la personne.

Nous nous intéressons aux personnes en tant que productrices des discours, qu’elles soient les détenteurs temporaires de « l’expression officielle du savoir » (autorités étatiques ou d’autres systèmes de pouvoir, comme la mafia, par exemple) ou bien les initiateurs des contre-courants, tels les lanceurs d’alerte qui corrompent la norme au nom de la liberté, tout en posant la question de la relativité de la liberté de la personne par rapport à la norme et à la corruption de la norme.

Avec U. Eco, nous nous positionnons dans une poétique de l’« ouverture » marquée par ce mouvement oscillatoire, paradoxal à première vue, qui va de la norme à la corruption, et où la corruption et la norme, dans une relation d’interdépendance, jouent un rôle double, à la fois libérateur et emprisonnant. Produisant les mêmes effets, liant et déliant les personnes à la fois, ces deux concepts se situent dans une relativité qui plonge la personne dans une permanente recherche d’équilibre, entre deux champs sémantiques opposés : stabilité, fixation, immuabilité, du côté de la norme, et changement, instabilité, évolution, du côté de sa corruption. L’imprévu signifié par la corruption de la norme peut, en outre, et par la suite, acquérir le statut de norme, s’il obtient l’adhésion du groupe social concerné par l’événement : le rôle de la personne est primordial ici. La corruption de la norme apparait alors comme un processus générateur d’évolution au sein du groupe. Il s’agit ici du cheminement même du Droit, au sens étymologique du terme, car « droit » indique bien une direction, une voie à prendre. Ce cheminement se fait et se voit à travers le langage du droit, car toute évolution juridique est une altération du passé, une arrivée de l’Autre (concept, terme, perspective, réflexion), d’un nouvel Evènement qui fera naître un nouveau passé dans le présent du système de droit. A l’origine de ce questionnement modernisateur se trouve une tradition dialogique qui sert de cadre à la proposition des normes pour la vie en communauté, et dont les illustres représentants historiques sont la Halakha hébraïque (du verbe halakh, הלכ, marcher, aller), l’agora, ἀγορά, athénienne, le parlement anglais comme mother of parliaments.

Au niveau linguistique, la corruption de la norme s’exprime au niveau de la création lexicale, à travers la liberté du néologisme qui, dépendant de l’usage que les usagers en font, se dirigera soit vers une stabilisation de son emploi et de sa forme par le groupe, soit vers une non-stabilisation et sa sortie d’usage (néologismes éphémères). La corruption de la norme linguistique est dépendante, ainsi, du temps, que les physiciens appelleraient « temps de relaxation »[2], signifiant la durée nécessaire à un objet pour prendre une certaine forme, car il appartient au temps seul de confirmer ou non le droit de cité d’un vocable, ainsi que sa forme finale, dans une langue donnée. L’implantation d’un néologisme, qu’il soit d’origine étrangère (emprunt) ou construit intralinguistiquement, est assujettie à la personne, à la liberté qu’elle prend pour créer ou confirmer la création linguistique, et inscrite inévitablement dans la durée. Le mot apparaît, ainsi, comme étant l’objet que la personne utilise, l’outil nécessaire et obligatoire pour construire sa vie individuelle et collective, si bien identifié en tant que tel par les pragmaticiens anglo-américains (Peirce, Austin, Searle, Grice)[3]. Néanmoins, et dans une dialectique hégélienne, l’esclave devient maître et les mots façonnent notre manière de penser, influençant notre perception du monde et construisant un récit de « nous » qui ne peut pas exister en dehors de la parole. La parole est un instrument de pouvoir[4], elle est performative car « le langage et la vie sociale sont inextricablement liés » (Bourdieu, 2001 : 7). Ceci est d’autant plus vrai dans le domaine du droit car celui-ci « dote les actes de langage de conséquences juridiques. » (Cornu, 2005 : 38). Gérard Cornu remarque le lien qui existe entre l’expression verbale ou écrite et l’acte de justice : « Dans les actes consensuels, l’expression verbale du consentement suffit, par elle-même et à elle seule, à lier juridiquement son auteur, qu’il s’agisse, dans les actes juridiques plurilatéraux, de l’échange des consentements (les paroles d’accord) ou de la manifestation unilatérale de volonté, dans les systèmes qui admettent l’engagement unilatéral (« je promets », « j’offre », « j’autorise », « je reconnais »). Cet effet du principe de l’autonomie de la volonté, du respect de la parole donnée (C. civ., art. 1134), est attaché à l’émission sonore de la parole. Mais l’expression écrite du consentement a autant (et plus) d’effet que l’expression orale. Dans les actes consensuels et dans les actes solennels, la signature est l’acte graphique qui engage. La force du serment s’attache au prononcé même des paroles sous lesquelles il est prêté (« je jure »). La décision de justice existe du seul fait de son prononcé (« ordonnons », « condamnons »). Ce qui est dit est fait. Le contrat est parfait, le jugement tombe de la bouche du juge, etc. » (Cornu, 2005 :38) Les faits qui existent dans le réel ont besoin de représentations verbales afin d’acquérir des significations (Cyrulnik, 2016 : 85, 99), qu’elles soient juridiques ou non-juridiques. Mais les paroles sont les corruptrices du réel, car « tout récit est une falsification du réel puisqu’il s’agit d’aller chercher dans notre mémoire les images et les mots qui vont construire un autre réel, dans la représentation cette fois, comme une traduction. » (Cyrulnik, 2016 : 152)

Au niveau juridique, la corruption de la norme s’inscrit aussi dans une dynamique libératrice, car ouvrant la porte vers de nouveaux concepts et mesures qui entraîneront une évolution du droit et le dynamisme de la loi (Ouaknin, 2018 : 97). En pratique, la corruption signifie une limitation des libertés, tout comme la norme signifie une circonscription des libertés de la personne et renoncement à la liberté totale au profit du vivre-ensemble dans le groupe. Ainsi, tout en produisant son discours, le lanceur d’alerte se soumet aux conséquences perlocutionnaires de celui-ci, et voit sa liberté limitée par ses actions dont le but est de renforcer la liberté du plus grand nombre.

Le domaine jurilinguistique de la corruption est aujourd’hui sous le signe du « thème de l’indéterminé », et donc d’une relative liberté, tant son développement est soumis à l’évolution de notre société de l’information immédiate. Entre l’ordre et l’imprévisible, nous sommes, en tant que personnes, les spectateurs captifs d’une télé-réalité internationale, ayant comme objet et étant assujettie à la corruption : des discours du président des Etats-Unis contre la corruption de l’establishment aux perpwalks des politiciens corrompus transmis sur les chaînes de télévision[5], en passant par les Wikileaks, Panama Papers, la loi Sapin II, la surmédiatisation de ce phénomène mène à la fois à la désensibilisation du public et à la « normalisation » au sens de « l’intégration dans le normal » et de « création d’un cadre normatif » de la corruption. Le lanceur d’alerte, dont le motto pourrait être camusien « Je me révolte, donc nous sommes », à la fois casseur de normes internes et gardien des lois publiques, est devenu la nouvelle figure de proue de la lutte anti-corruption, avec un statut mitigé de célébrité (Snowden d’Oliver Stone), alors que bon nombre de pays peinent à lui donner un statut juridique, entre propagande et récupération politique.

L’ordre du discours sur la corruption (M. Foucault) est soumis, ainsi, à une vivace métaphorisation (P. Ricoeur), car la corruption est devenue aujourd’hui un domaine ouvert, un’opera aperta aux initiés et non-initiés du juridique. Reste à trouver l’équilibre entre le Principe Responsabilité (H. Jonas) et le principe de la liberté dans la polis (H. Arendt), dans un espace public où la culture politique est soumise à la culture de consommation (J. Habermas, J. Baudrillard), ce qui continue d’être un exercice difficile pour les jurilinguistes confrontés à des systèmes juridiques et culturels différents.

ANALYSE

Nous vivons aujourd’hui une époque de lutte sans précédent contre la corruption et pour la protection de la norme. Les scandales de corruption qui explosent dans les médias font part dorénavant du tissu politique et social de nos sociétés occidentales. Les nouvelles caractéristiques de ce qui a été appelé la deuxième phase du postmodernisme, qui sont le numérique et la culture participative[6], déterminent la manière et sont à l’origine de ces éruptions de révélations ainsi que de la corruption dans notre quotidien. Le besoin de protéger et de renforcer la norme sont de plus en plus ressentis : la réunion au sommet contre la corruption à Londres en mai 2016, la loi Sapin II qui définit le statut juridique du lanceur d’alerte en France en juin 2016, le projet de moralisation de la vie publique initié en juin 2017 par François Bayrou, Ministre de l’Intérieur, etc. La symbiose dans laquelle ont toujours existé la norme et la corruption est plus que jamais visible, la dernière attirant l’attention de la personne non seulement sur les entorses à la norme mais tout particulièrement sur la norme même et, implicitement, sur l’évolution du concept de liberté dans nos sociétés.

Pour approfondir le début de cette discussion dans un cadre théorique plus élargi, et aussi pour nous plonger dans la complexité du rapport entre la personne, la norme, la corruption et la liberté, nous remarquerons d’emblée la dualité des opposés qui marque l’évolution de la perception de la réalité par l’être humain. Depuis bien avant les mystères égyptiens mentionnés dans l’œuvre attribuée à Hermès Trismégiste, le divin (la norme) devenait visible à travers l’humain (la corruption de la norme), et seulement ceux qui connaissaient bien leur humanité pouvaient en saisir la nature divine. La nature tripartite de l’homme-dieu (le philosophe, le prêtre et le législateur), empruntée par les philosophies judéo-chrétiennes et remise à l’honneur par les penseurs de la Renaissance, contient et résolve en elle-même la contradiction entre la norme et la corruption. Ainsi, la norme – principe divin et loi humaine – se révèle à travers son contraire, son existence est soulignée par sa transgression, et sa valeur est augmentée par son rejet. La Loi donnée à Moise et au peuple d’Israël par Dieu sur le mont Sinaï, dans le contexte de l’Exode, entend organiser la vie de la communauté sous ses trois aspects essentiels : spirituel, dans la relation de l’individu avec la divinité, intime, dans la relation de chacun avec sa famille, et juridique, dans les rapports aux autres membres de la communauté. Les dix commandements bibliques, tout en constituant la base philosophique et juridique des sociétés occidentales, sont formulés à la fois comme des préceptes positifs et négatifs, sous-entendant et présupposant l’entorse à la norme. Cette relation complexe est mise en lumière quelques fois par les mots mêmes qui la parlent. Ainsi, le traducteur observera l’inexactitude de la traduction du sixième commandement de l’hébreux לֹא תִּרְצָח, lo tirzah, par « tu ne tueras point » ou « thou shalt not kill », et les traductions plus appropriées « tu ne commettras pas de meurtre » et « you shall not murder », qui reprennent la majorité des sèmes du verbe hébreu qui signifie « assassiner, tuer intentionnellement » : רָצח, retsakh.

Se pose, alors, pour le jurilinguiste, la question de l’expression de ce rapport complexe entre la norme et la corruption de la norme, dans le discours de la personne, ainsi que du degré de liberté possible dans ce contexte. Afin d’essayer de répondre à cette question, et pour parler avec Michel Foucault, nous supposerons que « dans toute société la production du discours est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée et redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour rôle d’en conjurer les pouvoirs et les dangers, d’en maîtriser l’évènement aléatoire, d’en esquiver la lourde, la redoutable matérialité. » (Foucault, 2008: 11). Dans ce processus élaboré plus ou moins ouvertement au sein du groupe social et qui vise à maîtriser le discours qui structure les relations avec et à l’Autre, ces actions deviennent les « procédures d’exclusion » de trois éléments majeurs identifiés par Foucault sous la forme de « la parole interdite, l’opposition raison-folie et la volonté de vérité », les pendants des concepts aristotéliciens logos, pathos et ethos. A cette époque révolutionnaire de plusieurs points de vue, où le citoyen « numérique » peut prendre possession du réel en le transformant plus ou moins à sa guise, sans plus attendre qu’il lui soit mâché par la presse conventionnelle ou les politiciens, on s’insurge, entre autres, contre la corruption vue symboliquement comme incarnation du Mal. Mais, comme disait Foucault en présentant la perception kantienne de l’importance de la Révolution française, « ce qui est significatif, c’est la manière dont la Révolution fait spectacle, c’est la manière dont elle est accueillie tout alentour d’elle-même par des spectateurs qui n’y participent pas, mais qui la regardent, qui y assistent, et qui, au mieux ou au pire, se laissent entraîner par elle. » (Foucault, 2008 :19) Car c’est à travers eux que va se structurer par la suite l’image de ce que c’est que la Révolution ; et c’est à travers les membres du groupe social qui n’y participent pas directement que l’image de « la lutte contre la corruption » devient ce qu’elle est, c’est dans l’imaginaire collectif que les significations diverses données à ce phénomène se lient pour former son sens. Pour encore citer Foucault : « Ce qui est donc important dans la Révolution, ce n’est pas la Révolution en elle-même, qui, de toute façon, est un gâchis, c’est ce qui se passe dans la tête de ceux qui ne font pas la Révolution, ou en tout cas qui n’en sont pas les acteurs principaux. » (Foucault, 2008 : 14) Alors, en regardant de plus près les trois « procédures d’exclusion », notamment à travers les discours de certaines parties du groupe social qui regardent, assistent et se laissent entraîner par la corruption et la lutte contre celle-ci, nous essayerons de mettre en lumière ces rapports complexes qui existent entre les concepts de personne, liberté, norme et corruption, ainsi que le nouvel imaginaire collectif de ce contexte. Aux questions plus que jamais pertinentes « Quelle est mon actualité ? Quel est le sens de cette actualité ? Qu’est-ce que fait le fait que je parle de cette actualité ? » (Foucault, 2008 : 15), nous pouvons répondre seulement si nous prenons en compte les acteurs de cette actualité qui aujourd’hui sont multiples et protéiformes, et, chose à retenir, non-identifiables aux acteurs principaux de la dialectique norme-corruption. L’image que nous en avons n’est pas construite par les forces qui ordonnent la vie dans la cité, ou par celles qui œuvrent pour la désagrégation de cet ordre et l’installation d’une nouvelle norme, ce ne sont pas les juges, les policiers ou bien les délinquants qui sont les plus prolixes dans la construction de ce nouvel imaginaire collectif autour de la corruption et qui devient notre actualité tous les jours. Ce sont les spectateurs de ce spectacle qui traduisent, donnent des significations, associent librement et ensuite donnent du sens à cette nouveauté, en fonction des conditionnements qui leur sont propres. L’image se construit sur le ressenti de l’émotion provoquée par l’acte, et les mots, y compris les termes juridiques, en racontent toute l’histoire. La métaphore est éminemment subjective à son origine et continue de porter en elle cette subjectivité même lorsqu’elle cesse d’être « vive » (Paul Ricoeur). Encrée dans la connaissance du monde, la métaphore utilise celle-ci en la transgressant, avec une impertinente fraîcheur, de par la liberté qui préside à l’association qui la voit naître, « toujours située entre deux voies, le chemin de la rêverie, des associations, et celui de la connaissance, qui peut faire d’elle un modèle utilisable. » (Dorra, 2001 : 163). Elle porte à travers la langue, enfreint les normes pour en créer de nouvelles : corruption des mots, mise en abîme de la corruption du réel, voie royale vers l’Autre car l’intégrant et le transformant dans une union qui est souvent celle des contraires.

Notre approche contrastive en jurilinguistique est, ainsi, également esthétique, et se base sur une analyse terminologique et discursive qui s’intéressera plus particulièrement aux métaphores et au passage du noumikos au pathos. Nous analyserons la déconstruction normative qui caractérise la corruption au niveau linguistique à travers des évolutions transgressives dans les domaines de la spécialisation/dé-/ré-spécialisation des termes, des euphémismes et des effets performateurs (illocutoires et perlocutoires) des actes de langage.

La parole interdite

Ici, il y a trois éléments qui forment un cadre complexe et en permanente évolution dans lequel se trouvent circonscrites la personne et la liberté: le caractère tabou de l’objet du discours, le rituel des circonstances et le droit privilégié ou exclusif de celui qui parle. Il est donc question de qui parle, où et comment, et surtout, de quoi. A l’interrogation de Foucault : « Mais qu’y a-t-il donc de si périlleux dans le fait que les gens parlent, et que leurs discours indéfiniment prolifèrent? Où est donc le danger?» (Foucault, 2008: 10), des exemples tirés de notre quotidien apportent une réponse empirique immédiate : les lanceurs d’alerte qui sont érigés en nouveaux héros d’aujourd’hui et qui dénoncent les illégalités et les actes de corruption, la presse qui présente une image d’elle-même comme « ennemi du peuple »[7], l’omerta imposée à ses membres par la mafia et dont parlent ce qui en sont extérieurs. Ce sont des transgressions à l’ordre, qu’il soit consenti au titre du contrat social et de la vie en société, ou bien inventé comme alternative à celui-ci. Les fake news tombent dans la même catégorie, à ceci de différent : elles imposent une troisième voie entre le noir et le blanc, non-manichéenne, non-duelle, où chacun est uniquement responsable de sa propre perception du monde, ce qui le rend irresponsable de la propagation de cette perception au niveau du groupe. On se retrouve pleinement dans la question du Principe Responsabilité énoncé par Hans Jonas en 1990 dans l’ouvrage du même nom, et qui voyait le danger de la dilution de la responsabilité collective dans l’individuel. La mutation sociale et individuelle débute au niveau de la perception et de la légitimation de cette perception : les propos d’une journaliste de RussiaToday qui soutenait qu’« il y a autant d’approximations de la vérité qu’il y a des voix possibles »[8] sont en ce sens édifiants. Et autant de personnae possibles, nous pourrions rajouter, autant de masques posés sur le réel, le déguisant jusqu’à le rendre méconnaissable, dans un élan de que Max Dorra appelait « la cécité volontaire », car ceci excuse tout. Ou presque.

L’opposition raison – folie :

Le fou dit une vérité cachée. Foucault observe : « Il est curieux de constater que pendant des siècles en Europe la parole du fou ou bien n’était pas entendue, ou bien, si elle l’était, était écoutée comme une parole de vérité. » (Foucault, 2008 : 11), et aussi « tout cet immense discours du fou retournait au bruit; et on ne lui donnait la parole que symboliquement, sur le théâtre où il s’avançait, désarmé et réconcilié, puisqu’il y jouait le rôle de la vérité au masque. » (Foucault, 2008 : 14).

Un exemple est celui des élections américaines qui ont vu surgir sur la scène politique et arriver à la tête de l’Etat le personnage de Donald Trump, dont l’image se positionne en marge, contre l’ordre établi par l’establishment américain, à l’extrême de celui-ci à tel point que l’opposition politique américaine soutiennent qu’ils ne l’ont même pas pris au sérieux. Qui plus est, D. Trump a été aussi acteur (de téléréalité), comme d’autres acteurs dans l’histoire des Etats-Unis (Arnold Schwarzenegger, Ronald Reagan, etc.), archétype du « fou du roi », où le roi désigné est « le peuple », dans un charivari total. Le rôle de la presse de l’opposition, un autre « fou du roi », est, dans ce nouveau cadre, de jouer sur le pouvoir du concept de « fake news » dans une cacophonie où la vérité n’existe que pour quelques initiés ; d’ici, corruption du réel et mise en abîme de la corruption elle-même à travers les affaires qui n’arrêtent pas d’être dévoilées, en partant des liens présumés avec les dirigeants russes[9] et la mafia italienne[10], et jusqu’aux techniques de publicité de la campagne électorale[11]. On se rend compte que la notion même du bouffon est remise en question, car on n’est plus dans le cadre établi par E. Levinas : « Le bouffon, le fou de la tragédie shakespearienne est celui qui sent et dit avec lucidité l’inconsistance du monde et l’absurde des situations – il n’est pas le personnage principal de la tragédie, il n’a rien à surmonter. Il est, dans le monde des rois, des princes et des héros, l’ouverture par laquelle ce monde est traversé par des courants d’air de folie, - il n’est pas la tempête qui éteint les lumières et arrache les draperies. » (Levinas, 1979 :41) Le représentant de l’autorité légitime, autant que les médias, ont à surmonter le défi de la vérité. Dans une corruption des normes du langage officiel[12] qui étonne ses opposants, Trump défait et refait le réel. De « fake news »[13] à « bad hombres »[14], le jurilinguiste se trouve dans un nouveau pays des merveilles rempli de métaphores qui construisent un nouvel univers émotionnel et qui sont en train de donner forme à un nouvel imaginaire collectif. Si l’on dépasse le choc épidermique de la provocation, ainsi que par renversement des registres, nous découvrons ce nouveau pays du langage pas à pas : à travers les nouvelles significations posées par les producteurs de discours - et ce en tant que personnes publiques portées au plus sommet d’un Etat et légitimées dans leur pouvoir sur les autres par un processus démocratique – le sens juridique s’y dessine, et l’ordre dans la cité est en train d’être redéfini, par l’introduction de nouvelles catégories ou la ressuscitation d’anciennes classifications. Ainsi, la catégorie des « news » est divisée officiellement en « fake » et « true », la catégorie des immigrés mexicains est aussi redéfinie dans un registre qui mélange le cadre officiel avec le langage familier qui combine l’espagnol et l’anglais, exemple du spanglish devenu important aux Etats-Unis : « bad hombres » et « good hombres », et dans une liberté langagière qui fait évoluer les normes de l’expression officielle. Il est étonnant de s’indigner contre ce mélange de registres dans un pays où le « plain language » a été légiféré par les gouvernements démocrates de Bill Clinton et Barack Obama[15].

Un autre exemple est celui du roman de science-fiction juridique Iustopia, le premier dans ce genre paru en langue roumaine, et dans lequel l’auteur sous pseudonyme Robi Ciobanu raconte, s’inspirant du système juridique roumain actuel, une histoire de corruption du droit mais aussi du bon sens et de la normalité. Iustopia est le nom du pays imaginaire où se déroule l’action en justice contre l’infraction de chantage qui définit le fait d’avoir menacé la présidente de la Cour Suprême de Justice, qui est aussi présidente du pays, de révéler à la presse le fait que le poids de la présidente a augmenté de cinq kilogrammes et que, par conséquent, ses vêtements ne lui vont plus. Pour cette accusation, l’inculpée est arrêtée et ensuite condamnée à une peine de prison. Ailleurs, les fautes grammaticales dans le texte du mandat d’arrêt peuvent être utilisées afin de frapper de nullité absolue la décision de mise en état d’arrestation (Ciobanu, 2015 : 99). Cette fiction juridique joue sur l’opposition raison-folie afin de pointer du doigt les manquements de la justice roumaine contemporaine. Le nom propre Iustopia, mot-valise savant construit à partir des termes latins ius (droit) et utopia (utopie), joue sur l’amalgame sémantique, qui rapproche deux termes en apparence éloignés sémantiquement, et qui est une technique de désinformation qui fait partie du paysage politico-juridique roumain actuel. Le pseudonyme de l’auteur est aussi un jeu de mots, ciobanu signifiant « le berger », mais aussi l’approximation phonétique du terme lawyer en roumain. Ailleurs dans le roman, un autre personnage s’appelle L’oieru, francisation du mot oieru, un autre vocable pour dire le berger en roumain, et transposition phonétique du nom anglais signifiant « avocat ». A noter également l’absence de l’article défini post-clitique masculin roumain -l, qui indique la présence du registre familier. A l’ordre juridique s’oppose ici le désordre de la déraison, la confusion de la folie, la disparition des repères, l’inversement des valeurs.

La volonté de vérité

Michel Foucault met en garde dans son Histoire de la sexualité. 1. La volonté de savoir [16]: « le moindre éclat de vérité est sous condition politique ». Conditionnée, ainsi, par la vie dans la polis, par ceux qui décident des règles de vie dans cette même cité, la recherche de la vérité n’est jamais libre, posant de manière inconfortable la question de la relation entre la personne politique et de sa liberté. Tzvetan Todorov avait aussi parlé de la « dualité parfois tragique »[17] de l’homme-éthique et de l’homme-politique. Témoignant de l’évolution de notre société des affects et de consommation, le journaliste britannique Matthew d’Ancona emploie, le 12 mai 2017, deux syntagmes qui décrivent le monde d’après les élections américaines de 2016 : « Ten alternative facts for the post truth world »[18]. Du post-modernisme de Lyotard, nous passons à la post-vérité des « faits alternatifs », qui imposent une nouvelle façon d’envisager le monde, la société, la vie en général. Cette nouvelle manière de décrire le monde est éminemment subjective, basée sur la perception individuelle, reasonable suspicion portée à l’extrême, liberté d’expression tendue au maximum : non seulement j’ai le droit à ma propre perception du monde, mais je peux aussi abolir le principe kantien de publicité, car je n’ai plus besoin de l’autre pour me confirmer dans mes croyances, opinions, etc. Individualisme oblige, dans une ère digitale et réticulaire où nous imposons aux autres nos perceptions du monde en temps réel et dans une course folle, à travers Facebook, Tweeter, etc., sans leur laisser le temps de réfléchir, de digérer l’information, car ce qui nous intéresse, ce n’est pas leur opinion construite mais leur accord émotionnel. S’ils nous likent, notre besoin de reconnaissance est assouvi instantanément, et on se passe de la raison. Le syntagme « alternative facts » a été employé par l’avocate américaine Kellyanne Conway pendant une interview donnée à la chaîne de télévision NBC en tant qu’invitée de l’émission Meet the Press le 22 janvier 2017. Le journaliste Chuck Todd, confronté à cette expression, a répliqué : « Look, alternative facts are not facts. They're falsehoods. »[19] L’appartenance de ce syntagme au domaine juridique[20] fut revendiquée par Breitbart News[21], alors que The Guardian ne réussit à trouver cette expression juridique dans aucun dictionnaire juridique en ligne[22]. Quinze professeurs de droit et de déontologie juridique américains et membres du Conseil de discipline de la Cour d’Appel du District de Columbia ont, par la suite, signé une plainte disciplinaire contre K. Conway lui rappelant qu’en tant qu’avocate membre du Barreau, elle était soumise au code éthique de la profession d’avocat. Les alternative facts[23] sont mentionnés dans cette plainte disciplinaire comme preuves du fait que « Ms. Conway had engaged in conduct involving “dishonesty, fraud, deceit, or misrepresentation.” »[24] A la lumière de ces évènements récents, et en paraphrasant à nouveau Hannah Arendt, on peut se poser la question du sens de la politique aujourd’hui et surtout, de l’évolution de ce sens. Des questionnements plus profonds sont soulevés, relatifs à notre manière de fonctionner ensemble, à l’évolution des relations entre les concepts de personne et liberté au sein de la cité, de l’évolution même du concept de démocratie (peut-être vers celui de démopraxie[25], cher à Michelangelo Pistoletto ?). Confrontés à cette absence d’une compréhension décentrée du monde, dont parlait Jürgen Habermas, et qui nous montre, à travers les discours analysés, que la différenciation entre le monde vécu et le monde[26] s’estompe de plus en plus de nos jours, on est face à de sérieux doutes. Qu’est-ce que la politique ? Qu’est-ce que la vérité ? Qu’est-ce qu’un fait ? Qu’est-ce qu’une personne ? Qu’est-ce qu’une norme ? Les temps qui courent et nous entraînent nous présentent toutes ces questions, visibles à travers l’observation des mots qui nous parlent plus que nous ne les utilisons, offrant autant de preuves que notre société et le sens qu’on lui donne sont en train d’évoluer indubitablement. Et, dans cette évolution, on remarque le fait que, parmi les trois compétences énumérées par Habermas en tant que compétences requises des participants à la communication - « face à des états-de-choses existants – une attitude objectivante – face à des relations interpersonnelles légitimement établies-, une attitude conforme à des normes – face à des expériences vécues particulières-, une attitude expressive »[27]- seule la dernière semble caractériser encore les co-producteurs d’actes de communication aujourd’hui. La volonté de vérité, oui, mais aussi, et surtout, la volonté de contrôler cette vérité, rappelant la volonté de puissance nietzschéenne[28], avec le danger de l’apparition de ce que Victor Klemperer appelait « la peur de l’homme qui pense, la haine de la pensée »[29]. Et afin de contrôler, puisqu’on ne peut pas l’interdire carrément, mieux vaut la présenter d’une certaine façon et qui serait susceptible de remporter l’adhésion du plus grand nombre rapidement: c’est ce que George Lakoff nomme « framing the issues ». Lakoff donne l’exemple du syntagme « tax relief »[30], appartenant au droit de la fiscalité et créé durant l’administration Bush, repris par la presse américaine comme une expression neutre, alors que la connotation de « relief » est de « soulagement », ce qui implique qu’il y a un poids et une souffrance, quelqu’un qui est à l’origine de cette souffrance, quelqu’un qui va soulager le contribuable en lui enlevant ce poids, cette personne étant ainsi un héros en contraste avec quiconque essaierait de l’arrêter dans ses actions.[31] La métaphore du bon et du méchant est évidente, les Républicains et l’administration Bush se construisant une image héroïque à partir d’un fait qui, à l’origine, est neutre et devrait représenter seulement l’expression du devoir (patriotique, comme l’exprime Lakoff) de chaque citoyen qui bénéficie de la qualité de la vie dans la société américaine[32]. La corruption du langage, le détournement du sens des termes qui aboutit au renversement du réel, à la fabrication de perceptions mettent en péril le tissu social.

CONCLUSION

Pour conclure cette brève analyse jurilinguistique des rapports complexes existant entre la norme, la corruption, la personne et la liberté, nous nous voyons obligés de poser une nouvelle question, dans le sillage du questionnement entamé par Norbert Elias en 1987: qu’est-ce qu’une société ? Bien évidemment, autre chose que la simple somme de ses individus, et non plus les relations qui s’établissent entre ceux-ci. Elias avait remarqué l’importance de l’émotion dans une réflexion sur la société, cela l’avait même gêné : « L’émotion et l’angoisse que ces luttes actuelles entretiennent chez tous les participants se traduisent par l’affectivité dont sont chargés tous les termes qui s’y rapportent directement ou indirectement ; elles créent autour de ces termes une sorte d’aura qui obscurcit plus qu’elle n’éclaire ce qu’ils sont censés exprimer. »[33] En 2013, Frédéric Lordon publiait La société des affects, marquant un tournant émotionnel dans l’étude de la société, emboitant le pas aux sciences affectives, donnant à l’affect toute sa place dans la construction et le fonctionnement d’une société, et ceci en s’appuyant sur les concepts spinoziens de désir et d’affect. Il démontrait, ainsi, que « 1) la force motrice fondamentale des comportements individuels – c’est l’énergie du désir ; 2) les causes de première instance (et il faut insister sur cette clause) qui décident des orientations de cette énergie et font se mouvoir l’individu dans telle direction plutôt que dans telle autre – ce sont les affects. »[34] Dans notre société occidentale, visuelle, réticulaire, immédiate, qui n’est plus post-moderne mais post-vérité, où la vérité en tant que concept objectif, du monde, a été détrônée et remplacée par des vérités subjectives, appartenant au monde vécu, l’affect, l’émotion détiennent une place pour le moins tout aussi importante que la raison, la connaissance intellectuelle. Plongé dans un univers sensoriel au quotidien, soumis à une permanente excitation par des stimuli divers qui s’adressent avec de plus en plus de véhémence à l’ensemble de ses sens qui créent ensuite des réponses affectives, l’homo post-veritas s’habitue à ressentir plus qu’à raisonner, à prendre des décisions basées sur like/dislike, friend/unfriend, retournant au stade de l’enfance et perdant sa capacité d’argumenter de manière rationnelle. Devant des publicités mensongères, il n’est plus choqué, car il adhère aux nouvelles règles qui assouplissent la réalité ; devant des décisions politiques contraires aux règles de vie démocratiquement consenties, il ne défend plus l’Etat de droit car tel leader charismatique n’a pas violé la Constitution, « il l’a juste forcée un peu », comme disait il y a quelques années une étudiante en droits de l’homme à propos des agissements d’un ancien chef d’Etat de l’ancien bloc communiste. La corruption se mue en norme subrepticement, car les eaux sont brouillées, et des habitudes sociales du domaine privé (comportements entre amis sur les réseaux sociaux, comportements d’achat dans le domaine économique, etc.) se glissent dans le domaine juridique et politique. Et, paradoxalement, la personne hautement individualisée par ses émotions cesse d’exister car le groupe l’emporte, besoin d’appartenance oblige ; et, toujours paradoxalement, la liberté individuelle devient un leurre pour ceux qui ne sont plus capables d’utiliser aussi la raison comme instrument privilégié de l’âge adulte, indépendant, et dans la construction des rapports à l’autre. Les mots se raccourcissent, les significations s’embrouillent, le sens s’obscurcit sous l’empire des passions. La recherche consciente d’un équilibre entre raison et affect paraît être, au moins aux yeux du linguiste, une démarche vitale à l’évolution sociale actuellement, et surtout dans le domaine juridico-politique, celui qui définit la structuration et le fonctionnement de la société. Le risque encouru pourrait être une dictature, qui, comme tout régime totalitaire, serait une dictature des émotions, car fondée sur la peur de l’Autre. Dans notre monde de langage, où les mots ne renvoient pas à des contenus mais d’abord à d’autres mots (Levinas, 1972 : 25), le jurilinguiste, attentif aux évolutions de la norme et aux conséquences de cette évolution sur la personne et la liberté, prendra en considération le contexte communicationnel de ces changements, les participants à l’acte de communication ainsi que « la contingence de leur histoire », tout en gardant à l’esprit le fait que « chaque signification verbale est au confluent de fleuves sémantiques innombrables. » (Levinas, 1972 : 26)

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NOTES

[1] LORDON, F., La société des affects. Pour un structuralisme des passions, Editions du Seuil, coll. « L'ordre philosophique », 2013. [2] VERDIER, C., Cours de rhéologie, https://www-liphy.ujf-grenoble.fr/pagesperso/verdier/Cours.pdf [3] AUSTIN, J.L., How to do Things with Words. The William James Lectures delivered in Harvard University in 1955, Edited by J. O. Urmson, PEIRCE, C. S. How to make our Ideas clear, http://courses.media.mit.edu/2004spring/mas966/Peirce%201878%20Make%20Ideas%20Clear.pdf, SEARLE, J., 1969, Speech Acts: An essay in the philosophy of language, Cambridge: Cambridge University Press, GRICE, H.P., 1975, Syntax and Semantics 3: Speech Acts, New York: Academic Press, pp. 41–58. [4] BOURDIEU, P., Langage et pouvoir symbolique, Editions du Seuil, 2001. [5]BEAM, C., Affaire DSK: «la perp walk», une danse pour les canards, 20 mai 2011, http://www.slate.fr/story/38431/affaire-dsk-%C2%ABle-perp-walk%C2%BB-une-danse-pour-les-canards [6]Cf. JENKINS, Henry, http://henryjenkins.org/2006/10/confronting_the_challenges_of.html [7] « Mr. Trump has turned on the news media with escalating rhetoric, labeling major outlets as « the enemy of the American people » ». https://www.nytimes.com/2017/02/25/us/politics/trump-press-conflict.html [8] AUDINET, Maxime, « La voix de Moscou trouble le concert de l’information internationale », Le Monde diplomatique, avril 2017. [9] “Russia: The 'cloud' over the White House”, http://www.bbc.com/news/world-us-canada-38966846, 7 juin 2017 [10] “Donald Trump's business links to the mob” - BBC Newsnight, https://www.youtube.com/watch?v=-k3B-tw2sB0, 4 mars 2016 [11]CASILLI, Antonio, « Qui a fait élire Trump ? Des millions de « tâcherons du clic » sous-payés », http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-sur-les-reseaux/20161119.RUE4269/qui-a-fait-elire-trump-des-millions-de-tacherons-du-clic-sous-payes.html, 19 novembre 2016. [12] https://www.nytimes.com/2017/05/01/opinion/donald-trump-degradation-of-the-language.html?smid=nytcore-ipad-share&smprod=nytcore-ipad&_r=0 [13] Donald J. Trump ✔@realDonaldTrump FAKE NEWS media knowingly doesn't tell the truth. A great danger to our country. The failing @nytimes has become a joke. Likewise @CNN. Sad [14] https://www.theguardian.com/us-news/2017/feb/02/bad-hombres-reports-claim-trump-threatened-to-send-troops-to-mexico [15]http://www.presidency.ucsb.edu/ws/?pid=56067, https://plainlanguage.gov/law/ [16]FOUCAULT, M., Histoire de la sexualité. 1. La volonté de savoir, Gallimard, 1976, p.12. [17] TODOROV, T., Nous et les autres, Editions du Seuil, 1989, p. 506. [18]https://www.theguardian.com/books/2017/may/12/post-truth-worst-of-best-donald-trump-sean-spicer-kellyanne-conway [19] “Ecoutez, les faits alternatifs ne sont pas des faits. Ce sont des mensonges.” (notre traduction). Blake, Aaron, "Kellyanne Conway says Donald Trump's team has 'alternative facts.' Which pretty much says it all.", The Washington Post. Retrieved January 22, 2017, https://en.wikipedia.org/wiki/Alternative_facts [20] “Alternative facts, according to Breitbart, is “a harmless, and accurate, term in a legal setting, where each side of a dispute will lay out its own version of the facts for the court to decide”.” https://www.theguardian.com/us-news/2017/jan/23/rightwing-sites-trump-administration-alternative-facts [21] POLLACK, J. B., "'Alternative Facts': The Media Finds a Meme for the 'Resistance'". Breitbart News. Retrieved 3 March 2017. https://en.wikipedia.org/wiki/Alternative_facts#Legal_usage [22] GABBATT, A., "Even rightwing sites call out Trump administration over 'alternative facts'", The Guardian, January 23, 2017, https://www.theguardian.com/us-news/2017/jan/23/rightwing-sites-trump-administration-alternative-facts [23] “Moreover, “alternative facts’ are not facts at all; they are lies. Ch. M. Blow, A Lie by Any Other Name, N.Y. TIMES, January 26, 2017, at https://www.nytimes.com/2017/01/26/opinion/a-lie-by-any-other-name.html.”, https://assets.documentcloud.org/documents/3474086/Read-the-misconduct-complaint-sent-by-law.pdf [24]« Mme Conway a eu un comportement consistant en malhonnêteté, escroquerie, tromperie ou fausse représentation » (notre traduction) http://apps.washingtonpost.com/g/documents/national/read-the-misconduct-complaint-sent-by-law-professors-against-white-house-counsel-kellyanne-conway/2346/ [25] MORIN, E., PISTOLETTO, M., Impliquons-nous, Actes Sud, 2015, p. 51-52. [26] HABERMAS, J., Morale et communication, Flammarion, 1999, p.152 [27] Ibid., p. 153. [28] « Il ne faut pas avoir le choix: ou bien en haut ou bien en bas, rampant, comme un ver, insulté, anéanti, piétiné. Il faut avoir des tyrans contre soi, pour devenir tyran, c'est-à-dire libre. » La Volonté de puissance. Essai d'une transmutation de toutes les valeurs, NIETZSCHE, Friedrich, http://www.thule-italia.net/sitofrancese/Libri/Nietzsche.pdf [29] KLEMPERER, V., LTI, la langue du IIIe Reich, Albin Michel, 1996, p.26. [30]Allègement fiscal, abattement fiscal, dégrèvement fiscal, etc. http://www.linguee.fr/francais-anglais/search?source=auto&query=tax+relief [31]“The phrase "Tax relief" began coming out of the White House starting on the very day of Bush's inauguration. It got picked up by the newspapers as if it were a neutral term, which it is not. First, you have the frame for "relief." For there to be relief, there has to be an affliction, an afflicted party, somebody who administers the relief, and an act in which you are relieved of the affliction. The reliever is the hero, and anybody who tries to stop them is the bad guy intent on keeping the affliction going. So, add "tax" to "relief" and you get a metaphor that taxation is an affliction, and anybody against relieving this affliction is a villain.” https://www.berkeley.edu/news/media/releases/2003/10/27_lakoff.shtml [32] 'Taxes are what you pay to be an American, to live in a civilized society that is democratic and offers opportunity, and where there's an infrastructure that has been paid for by previous taxpayers.', ibid. [33] ELIAS, N., La société des individus, Fayard, 1991, p. 44. [34] Op.cit, p.81.


Pour citer cet article:

« De la norme à la corruption : quelques considérations jurilinguistiques autour des concepts de « liberté » et « personne » », in Personne et Liberté : de la biologie au droit. Etat des lieux d’une connexion, Institut Universitaire Francophone pour la Justice et la Démocratie/L.G.D.J., sous la direction de Frédérique Longère, pp. 87-101.

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